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L’extraterritorialité du droit

Dans un contexte économique tendu, nombreux gouvernements recourent à l’extraterritorialité pour défendre leurs intérêts au-delà de leurs frontières. L’objectif affiché est de lutter contre toute violation des droits de l’homme ou la corruption, mais ne serait-ce pas une forme d’ingérence économique ? 

 

  1. Extraterritorialité et lutte contre la corruption  

L’extraterritorialité consiste en l’application d’un droit national en dehors des frontières du pays. Le droit de la finance et le droit du commerce sont plus généralement concernés par l’extraterritorialité. Son application peut revêtir de nombreuses formes différentes : normative (Un texte de loi par exemple), exécutive (Une application par une autorité exécutive) et juridictionnelle (si un juge s’estime compétent pour traiter d’un cas). Par exemple, en 2014, la BNP Paribas est sanctionnée d'un montant record de 8,97 milliards de dollars pour non-respect des embargos vers Cuba, l'Iran et le Soudan. Les Etats-Unis considérant que toute opération faite en dollars doit être conforme à la législation américaine. La banque a plaidé coupable et a dû reconnaître publiquement sa culpabilité de violation des sanctions états-uniennes et s'est vu interdire pour une durée déterminée certaines transactions en dollar. Cela alors que rien n’interdisait ni en droit français ni droit européen ses échanges. En 2014, Alstom a écopé d'une amende de 772 millions de dollars au terme d'un accord conclu avec le DOJ et a reconnu que certains de ses cadres ont versé des pots-de-vin pour remporter des contrats, violant ainsi le FCPA. En 2015, c’est la Deutsche Bank qui s'est vue infligée deux amendes historiques pour manipulation sur les taux interbancaires Libor et Euribor, une aux Etats-Unis et une en Grande-Bretagne, pour un total avoisinant les 2,5 milliards d'euros. Outre les sanctions financières, l’application des embargos implique pour les entreprises européennes un manque à gagner. Par exemple, le groupe PSA a perdu en 2012 son marché en Iran, suite à l'entrée de General Motors dans le capital du groupe français impliquant l’application immédiate (en un mois plus précisément) de « l'executive order act », c’est-à-dire, l’obligation de se retirer du marché iranien. Notons toutefois que l’extension des sanctions aux entreprises codétenues (« under common ownership or control with ») est une spécificité de cet executive order. Alors que le FCPA s'applique aux personnes physiques et morales étrangères ayant un lien avec les Etats-Unis au moment de la commission des faits. 

 

  1. L’exemple de la pratique états-unienne de la lutte contre la corruption 

C’est une combinaison d’outils et d’acteurs qui font la force de la lutte américaine contre la corruption mondiale. L’extraterritorialité US permet de sanctionner une entreprise étrangère accusée de corruption ou de violation d’embargo dans un pays étranger, dès lors que celle-ci a un lien de rattachement avec les États-Unis : transactions commerciales en dollars, filiale ou succursale aux États-Unis, détenteur d’une adresse mail (“Gmail et Hotmail”), utilisation d’un serveur américain  (Amazon Web Services, Microsoft, Google Cloud Platform), sans oublier la cotation en bourse sur un marché financier américain ou exécution d’une transaction bancaire au travers d’une “US Person”. Cette interprétation extensive renforce la puissance des États-Unis (puissance économique mondiale et leader dans l’Internet) qui peuvent dès lors intervenir dans presque toutes les transactions internationales. Le FCPA appréhende la corruption sous deux principaux aspects : les dispositions anticorruptions proprement dites et les dispositions comptables. Le DOJ, organe exécutif, instruit les dossiers et est capable de mettre en cause une entreprise – étrangère ou non – pour corruption d’agents publics étrangers. La détermination du montant des sanctions résulte de négociations avec l’entreprise mise en cause mais le DOJ ne prendra pas uniquement en compte le fait de corruption mais aussi par exemple le niveau de coopération. Par ailleurs, les entreprises prises en faute de corruption devront se mettre en conformité aux standards américains via un « programme de compliance » mis en place par le DOJ. Cette rehab (une cure) est organisée et surveillée par le monitor (choisi, payé par l’entreprise et validé par le DOJ). Le monitor doit rédiger des rapports réguliers sur l’application du programme et établir des recommandations, le plus souvent contraignantes, à l’entreprise. 

 

Les Etats-Unis peuvent, ainsi, préserver, voire développer les marchés de leurs entreprises nationales, en contraignant leurs concurrents, arguant de la nécessité de l’application par tous des mêmes règles (level the playing field). Depuis quelques années, ce sont près de 20 milliards de dollars qui ont été versés aux autorités américaines par les entreprises coupables. Mais rappelons que ces sanctions sont le plus généralement le fruit d’un accord qui permet d’annuler une procédure longue et très couteuse devant des tribunaux américains. Par ailleurs, les entreprises accusées peuvent se prévaloir en France de la loi de blocage, elle leur permet de ne pas communiquer directement à des autorités étrangères des documents stratégiques qui pourrait porter atteinte à leurs intérêts économiques.  





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